Est-ce que serrer un caillou rapproche de la pierre et est-ce que caresser une pierre c’est être plus prêt de la terre ? Est-ce que mettre les mains dans la terre c’est commencer à sentir les formes ou est-ce l’énergie de la terre qui donne corps à la pierre?
Des galets arrondis comme des petits cailloux qui essaiment le regard. Des formes abstraites et familières qui dessinent les contours d’un rêve ou le point d’un passage. Des pièces légères et pourtant si ancrées dans leur force délicate, suspendues à la fragilité de la matière mais si solides dans leur élément, si proches de la terre et si célestes.
Des courbes qui fuient soudain vers une ligne verticale créant un côté là où il n’y a pas d’angles ou des arabesques galbées, rondes et pleines. Des formes lisses et pures d’où jaillit la lumière d’un blanc poudré, où rebondit l’éclat de bleus outre-mer brillants, auxquelles répondent les aspérités de météorites aux étincelles de métal argent. Un univers qui se construit comme un puzzle cosmique avec ces pièces d’harmonie où il n’est pas question de fragments mais d’éléments qui racontent un chemin, dessine une voie, sans s’imbriquer mais toujours à juste distance pour percevoir autrement la poétique de l’ordre et le dialogue des formes.
Chaque sculpture est à la fois modelée pour elle-même et rattachée à une série. L’effet de masse n’est pas là pour figer un ensemble mais pour articuler les formes et souligner qu’il n’y a rien de similaire entre les ressemblances, que s’il y a série, rien n’est pour autant sériel. Si la similitude crée des évidences, le sens est à chercher du côté des concordances et des correspondances. Car c’est cette relation à l’unique, comme à l’entourage, qui répond à l’inspiration : créer un univers qui parle de douceurs épurées, de formes simples, où rien ne s’imbrique mais tout se fait écho, ou chaque élément raconte par lui-même et se suffit, mais raconte autrement et autre chose dans l’accumulation. Une révérence à la cosmogonie et à ses propositions du monde observable.
Choisir un tracé au gré du modelage est un moment de grâce entre les mains et la matière. Le geste qui sculpte le devenir de l’œuvre n’est pourtant jamais toute puissance car il devient un exercice d’humilité profonde, sans cesse renouvelé, à chaque fois que les effets du four, de la chaleur, comme du temps, vont marqué de leurs répercussions l’empreinte première de l’artiste. Il y a une dimension aléatoire dans le travail de la céramique où la magie des éléments renvoie au hasard comme au dialogue permanent entre la force créatrice et le pouvoir de l’incalculable. L’intention et le procédé se complètent et s’enchaînent mais peuvent différer le geste et les incidences, comme au contraire créer une osmose organique, La Terre, l’Eau, l’Air et le Feu jouent et s’orchestrent pour un bal de simplicité qui remet la nature au cœur des forces, au cœur du geste.
Caroline Hodak de L’Epine, Octobre 2015